Horreur Cosmique atelier #8 – Les actions génériques des personnages

Il y avait longtemps que je n’avais pas posté d’ateliers pour Horreur Cosmique, le projet de jeu « roots » lovecraftien à base d’Apocalyse World – que je n’oublie pas du tout. En poursuivant chaotiquement, J’ai décidé de passer directement aux actions (de base) des personnages (en revenant plus tard aux personnages et au reste) car elles sont au cœur du jeu et constituent le moteur de la fiction à un niveau le plus pratique. Pour cela, je me suis laissé guidé par une simple question: dans les écrits de Lovecraft (et ses précurseurs), que font tous les personnages. Qu’est ce qui est important et ne l’est pas ? Quelques pistes, des réponses, et surtout beaucoup de questions donc.

 

Ce qui n’est pas pertinent

 

L’argent: tous les personnages de Lovecraft (sauf de rare exceptions ou des seconds rôles), appartiennent à la classe « moyenne supérieure »…s’y rattachent par leur relation ou leur éducation. Leur profession leur laissent du temps libre, quand ils ne sont pas toute simplement des professions libérales ou des héritiers dégagés du besoin. Contrairement à Adc ou Tremulus, l’argent n’est donc pas un élément fictionnel central chez Lovecraft, et même pas un élément du tout.

Cela veut dire que les personnages peuvent acquérir tout ce qui fait partie de leur train de vie, sans se soucier de comptabiliser. A part le riche héritier, ils ne pourront cependant pas faire des dépenses somptuaires. Dans le jeu, on peut se contenter de garder tout cela implicite ou de catégoriser la fortune part un tag. Il semble inutile d’aller plus loin pour les actions générales (le cas du « l’héritier », un personnage que nous verrons plus tard, étant spécial).

 

– La violence : aucun des personnages de premier plan de Lovecraft n’agresse délibérément un autre être humain.

Il ne devrait donc  pas il y avoir d’actions dans ce sens comme action de base. Pour autant, cela ne signifie pas que ce sera le pays des bisounours. D’une part l’action de base devrait exister, mais être strictement défensive ( la meilleure défense devant les choses innommables est la fuite, dans tous les cas…). D’autres part, certains personnages pourront être porté sur l’agression dans des situations spécifiques. Par exemple, les personnages répondant au stéréotype de »l’autorité », dans sa variante policier ou ancien militaire, à la rigueur pour l’explorateur).

 

– Blessures, mort:  il va sans dire que les personnages de Lovecraft ne sont pas des Rambos. Ils ne se baladent pas non plus avec des plaies béantes .On pourra donc se contenter de simuler les blessures par des tags ou une horloge a la AW, simplifiée et mortelle. Et quand on est blessé, ça fait mal, ça incapacite, et on part à l’hosto….( a moins d’être au fond d’une citée interdite).  Et ne pensez même pas régler son compte ne serait-ce qu’à une maigre bête de la nuit. Ça serait casser le ressort du jeu. La blesser et gagner du temps, à la limite, oui. 

D’un autre coté, les personnages (le « héros) chez Lovecraft ne meurent pas (ou alors ils se suicident): ils deviennent « fous » ou se métamorphosent en autre chose (on y reviendra).

Nous avons là un problème: doit on simuler/gérer d’une façon explique les « blessures » et permettre la mort inopinée, ou plutôt partir du principe que l’équivalent à la blessure/mort sera la « santé mentale » ? Peut être trouver un compromis ludique en rendant les blessures à la fois plus rares et plus létales ?

Une chose est sure, on ne distinguera pas un « calibre 45 » d’un 38, mais juste « une arme a feu ». Je ne pense pas qu’il faille rentrer non plus dans le détails des armurerie, au risque de voir le jeu dévier de la manière que l’on sait

 

– La sorcellerie/ magie:  La magie, c’est bien, en abuser, ça craint.  Dans les récits d’HPL, a part les livres maudits, la magie n’est pas un expédient des protagonistes. il n’y a donc pas d’action de base en sorcellerie, qui sera réservée à certains personnages et/ou a certains niveaux de chute dans l’abîme (on y reviendra)…

 

Ce qui est important

 

l’investigation. Elle pose un problème. Dans la fiction de Lovecraft, les personnages ne cherchent pas ou peu des informations: au contraire, elles viennent à eux, s’ils sont suffisamment ouverts (et souvent, ils s’y refusent). Du moins pour les personnages répondant au stéréotype du « sensitif ».

On tient la un possible compromis: les actions stricto sensu d’investigation seront réservées aux personnages plutôt « fermés » . Ce seront donc plutôt des actions spéciales.

Mais attention, il ne s’agit pas de déterminer « si » ils trouvent mais plutôt ce qu’ils trouvent, et dans quelles conditions. En termes ludiques, c’est également tout bon; inutile de faire tourner les personnages en rond pendant des heures parce qu’ils ont oublié de fouiller le coffre de Mr Mansfield ou raté leur jet de TOC.

comprendre: au contraire, les personnages à un moment donné, essaient tous de « comprendre » et donner un sens a ces informations (voire d’y résister). Cela par contre pourrait donner lui à une action générique

 

– la « folie »:  Lovecraft n’a jamais beaucoup aimé la psychanalyse, et sa « folie » n’a pas grand chose à voir avec le traitement qu’en fait Adc avec ses phobies attrapées au hasard ou ses catalogues de psychopathologies issues d’un divan de psy. Ce n’est pas comme cela que cela se passe dans les histoires d’HPL.

Au contraire, la plupart de ses personnages ont un « sombre destin/attirance ». Le protagoniste de l’Appel de Cthulhu fait des rêves et est fasciné par une idole. Même chose pour le protagoniste de Dans l’abîme du temps qui va à la découverte de ses « absences ».  Comme pour l’auteur lui même, cette attirance ambiguë plonge aussi, souvent, ses racines dans une histoire personnelle occultée. Le protagoniste de Cauchemar à Insmouth est encore plus intimement liée à l’horreur, puisque son hérédité monstrueuse est révélée au cours du récit.

 

On va donc laisser le problème de la « folie » de coté pour l’instant…

 

– Fuir : Alors là oui, ça s’avère souvent nécessaire. Plus exactement, les personnages agissent en s’infiltrant ou, en chemin inverse en s’enfuyant discrètement. Ou du moins en essayant…avant de prendre leurs jambes à leur cou. Ce n’est certes pas très glorieux, mais arriver à s’incruster au cœur d’une citée Mi-go…ou à  fuir devant Cthulhu, ça fait passer des moments bien « épiques ». Et en termes ludiques, ça peut être pas mal de bien développer cet aspect.

 

– Démarrer l’histoire : contrairement au vous « êtes dans une auberge » de l’appel de Cthulhu, à savoir le sempiternel crime à élucider et autre sollicitations d’un « ancien collègue », les histoires devraient partir, comme dans les nouvelles d’HPL, d’éléments étranges, même mineurs, en relation avec les personnages, leur entourage ou leurs obsessions. Comme pour l’investigation, Adc a eu tendance à beaucoup trop emprunter à la démarche du détective/policier. Des actions (ou des batteries de questions) devraient donc permettre de commencer l’histoire à partir d’un personnage, mais ce sont nécessairement des actions spéciales.

 

– Parler : tant les personnages de Lovecraft que ceux des parties de JDR parlent beaucoup entre eux et c’est un des charmes essentiels d’ Adc, surtout en début de jeu. C’est même peut être LE JDR qui a généralisé le « roleplay » et fait oublier les fiches, règles et autres caractéristiques. Cette mise en ambiance  » de salon » participe aussi des ressorts majeurs de l’horreur moderne: commencer par peindre un décor rassurant par son coté prosaïque et son soucis du détails, pour que les fissures qui suivent puissent devenir d’autant plus inquiétantes. En outre, dans les récits de Lovecraft (et d’A. Machen, Walter Delamare et bien d’autres) les discussions entre personnages sont souvent le moteur même de la progression de l’intrigue, et de l’horreur, sous la forme par exemple d’un dialogue entre un incrédule et un personnage plus ouvert au doute. C’est dans cette interaction que les personnages peuvent donner (ou révéler) du sens a leurs découvertes.

– Les narrateurs et autres voix off : Bien souvent, tout commence par la fin, désespérée. Quand le récit ne glisse pas dans la mise en abîme, à travers sa découverte dans un journal intime découvert ou narré par un tiers. Les actions devraient donc pouvoir restituer cette part de subjectivité et d’emprise du narrateur, au moins en début de récit (ce qui constitue donc des actions spéciales).

Ceci dit….

Ce qui reste le plus important, c’est que les joueurs s’amusent. Revenir à la fiction originelle est un moyen, pas une fin. Donc, en connaissance de cause, il devrait être possible de réaliser des accros, en particulier au nom de la dimension ludique, en veillant à les contenir ou a les adapter à l’esprit de Lovecraft.

 

Une ébauche commentée

A ce stade, je n’ai pas encore de version précise des caractéristiques. Considérant qu’elles jouent un rôle mineur dans le système (et la fiction), on y reviendra plus tard. Voici donc une ébauche des actions de base possibles, commentées. Certaines sont de pures créations, d’autres des emprunts et des transformations.

 

– Trouver Élément Dissimulé (TED)

Lorsque vous fouillez un endroit à la recherche d’un objet précis, dont vous avez de bonnes raisons de croire qu’il peut se trouver ici

10+ vous le trouvez

7-9 Vous le trouvez mais le MJ choisi un

– Vous avez attiré l’attention de quelqu’un

– Vous êtes surpris par quelqu’un / chose

– vous le trouvez, mais il est partiellement détruit, fermé

6- vous ne le trouvez pas et en choisissez un ci-dessus ( ou deux)

– Vous trouvez autre chose de proche où complémentaire

– Ce quelque chose vous échappe (pour l’instant)

– ce quelque chose est inaccessible

Je ne suis pas mécontent de cette action, qui peut certes être formulée de manière plus adaptée (par exemple, sur le mode négatif et apporter plus de piment). Son principal intérêt est de changer la manière d’aborder l’investigation, en déplaçant l’objet de l’obtention de la chose aux modes d’acquisition et ses conséquences / rebondissements.

 

 

– Chercher quelque chose d’intéressant….

Lorsque vous chercher quelque chose (objet, info), sans savoir  exactement quoi, mais dans un endroit dont vous avez de raisons de croire qu’il s’y cache quelque chose….

 

10 vous trouvez quelque chose d’intéressant, retenez 3

7-9 retenez 1

– un objet qui vous mène sur une nouvelle piste

– un objet qui incrimine quelqu’un

– un objet qui confirme une hypothèse [a préciser]

– un objet étrange  [a préciser]

– Vous n’attirez l’attention de personne

– Vous ne laissez pas de traces

 

 

Cette seconde action d’investigation permet de chercher « à l’aveugle », en ne sachant pas quoi.On peut aussi, pour des actions spéciales, distinguer les types d’actions: type d’objet : livre (objet qui donne des infos), preuve (qui permet de prouver la culpabilité), un objet réputé (ancien, suspect, etc…), etc…

Mais plus fondamentalement les actions d’investigations peuvent être développées pour être « chaînées » et créer une vraie dynamique de « jeu de piste ». Mais est ce bien utile ? Surtout, les actions d’investigations doivent elles être de base ?

 

 

– Le tableau d’ensemble 

 

Lorsque vous vous arrêtez pour réfléchir aux éléments que vous avez et les mettre en cohésion

vous pouvez poser les questions suivantes au Gardien et obtenez +1 lorsque vous vous pencherez dessus

sur 10 + choisissez 3

Énoncer deux faits et le MJ vous dira au choix:

Quels sont les contes qui s’y rapportent ?

Qui a aperçu l’horreur et comment la décrivent ils ?

Qu’est ce que l’horreur fait aux gens ?

Quelles civilisations ont déja parlé ?

Qu’est ce que l’horreur a fait, il y a longtemps .

Sur 7-9 Choisissez 1

il va vous falloir plus de temps

il va vous falloir plus d’informations

il va vous falloir l’aide de quelqu’un d’autre.

 

6- La révélation provoque un choc ou attire l’innommable.

 

il s’agit moins ici du tableau d’ensemble que de donner corps a l’horreur. Donc à revoir. 

 

 

Question indiscrètes

Lorsque vous interrogez des gens…..

Sur 10+ choisissez 3 questions. Sur 7-9 choisissez 1 questions

Que s’est il passé ici ?

Qu’est ce qui devrait attirer mon attention ?

Qu’est ce qui se cache ici ?

Comment pourrais-je obtenir plus d’informations ?

Qu’est ce que je devrais rechercher ?

Il y a t il des connections avec ce que j’ai découvert auparavant ?

Qu’ai je appris de …?

 

L’idée est de « garder X » pour pouvoir réussir plus actions au cours d’une enquête. Cette action sert a connecter les personnes, pas à tirer des conclusions des éléments. Les personnages tels que le flic, le « journaliste et le privé » devraient avoir des actions SP plus efficaces. Cela fait partie d’une conception « chaînée » de l’investigation.

Deviner les intentions….

Lorsque vous essayez de deviner les intentions d’une personne

Sur 10+, retenez 3.

Sur 7–9, retenez 1. dépendez 1 pendant que vous interagissez avec lui

Ce personnage dit-il la vérité ?

Qu’est ce que ressent ce personnage  ?

Qu’est ce que le personnage souhaiterais que je fasse ?

Comment pourrais obtenir que ce personnage fasse/dise ___________________?

 

Probablement redondant pour une action de base 

 

Faire face au Danger:

lorsque vous êtes pris dans une situation violente ou dangereuse…

10+, vous le faites

7–9, Vous flanchez ou hésitez,: Le gardien peut vous offrir une issue mauvaise, un choix difficile ou passer un marché.

Celui ci pourrait être subdivisé en actions offensives/défensives. Les actions requérant de l’habilité ou un talent peuvent faire l’objet d’actions spéciales suivant les personnages (se cacher, conduire, etc…)

 

– Intrusion et discrétion :

Lorsque vous vous faufilez quelque part en évitant d’être repéré +

10 + Retenez 3

7-9 retenez 1

– vous ne faites pas de bruit et on ne vous détecte pas

– vous pouvez vous approcher encore plus prêt

– vous trouvez une cachette (ie: rester plus longtemps cache MAIS sans bouger, bonus ?)

– vous trouvez une voie pour vous échapper rapidement.

– vous avancez rapidement

 

  Cette action fonctionne a double sens, pour s’incruster quelque part, et pour fuir. Elle pose cependant le problème de la gestion du groupe: une action pour chacun ou une gestion collective ?

 

Sauve qui peut

Lorsqu’il ne reste plus qu’a prendre se jambes a son cou…

10 Vous y arrivez

7-9 vous y arrivez mais le MJ choisi 1

« il » vous a vu

Vous apercevez l’horreur en vous enfuyant

Vous vous êtes perdu dans un endroit horrible

Peut etre redondant, mais fort utile…. 

 

Vendre chèrement sa peau

Lorsque vous êtes agressé par quelqu’un ou quelque chose et que vous résistez

10 Choisissez 3

7-9 choisissez 1

– vous vous barricadez et cela tient bon

– Vous n’encaissez pas les dégâts

– vous infligez des dégâts

–  votre adversaire hésite

– vous pouvez fuir

 

On peut distinguer résistance active (pugilat et tirs) de passive (par exemple, se barricader, esquiver)

 

 

 

Quand vous observez quelque chose ….

On a 10+, posez trois question

On a 7-9, posez une question

 

Qu’est ce qui ne va pas, d’une façon indéfinissable

De quelle manière particulière est-ce beau ?

Quelle odeur dégoûtante flotte dans l’air ?

Pourquoi ne puis je tout voir correctement ?

Quels sont dérangeants bruits que l’on entend ?

Quelles sont ces curieuses formes ?

Qu’est ce qui me révulse ?

Pourquoi dirait on que quelque chose ne va pas chez ces gens ?

Cette action est a l’opposé de la conception en termes d’investigation que j’ai conservé, mais dont le poids devrait être plus réduit. En effet, cette action là n’a pas seulement pour elle de respecter la fiction de HPL. Elle est aussi conforme à l’esprit du système apocalypse, dans la mesure ou elle permet aux joueurs d’orienter le contenu de la fiction.

 

Quand vous apercevez l’horreur….

C’est certes une action de base, mais on a dit au début que la folie serait traitée à part…

 

Crédit photo: formidable sculpture et photomontage d’A. Bonnazzi mettant en scène Clark Ashton Smith

Partagez

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *